La Voix de Zarzar

Une des règles que je me suis fixée pour la rédaction des chroniques d’Impressions’, c’est de ne pas, si possible, revenir deux fois de suite sur un même auteur. Or avec Geoffroy Monde, je me retrouve devant un dilemme délicat. Le voici qui publie quasi simultanément, chez deux éditeurs différents, deux titres aux styles si contrastés mais de qualités si égales qu’il m’est impossible de choisir lequel mettre en avant.
Voici donc en premier, La Voix de Zarzar, sorti chez Atrabile, sous une impeccable maquette comme a coutume d’en produire l’éditeur genevois. La Voix de Zarzar se présente comme un oppressant récit de science-fiction décrit sur le mode d’un huis-clos. On y suit le parcours de Carol, émergeant de sa cuve d’hibernation dans le décor hostile d’un vaisseau abandonné de toute présence humaine. De tâtonnements en tâtonnements, le livre nous promène à travers l’enchaînement des pièces méconnaissables en même temps qu’à travers les méandres d’un cerveau en proie à l’angoisse de la déréliction. Tiraillé entre les besoins de son estomac et les souvenirs diffus de sa vie passée, le petit homme cherche refuge auprès de l’images fantasmée de sa femme, tout en s’adonnant au cannibalisme nécrophage pour survivre. Jouant volontairement du flou entretenu par la vision schizophrénique du narrateur livré à lui-même, le récit oscille constamment entre réalité et hallucination, allant jusqu’à proposer une issue allégoriquement heureuse à une situation qui de facto n’en recèle aucune. Ce essai d’anticipation empli de suspens fascine avant tout par sa forme. Goeffroy Monde a en effet choisi de traiter son sujet par un dessin volontairement sommaire et esquissé, comme pour contraindre le lecteur au déchiffrage à vue, simultanément à son personnage, accordant une place essentielle au traitement par la couleur, appliquée en alternance de gammes désaturées simulant la lumière éteinte d’images pas encore complétement révélées.
//YZ 2023

La Voix de Zarzar
Geoffroy Monde
Atrabile 2022
248 p
9782889231225