Friday

Friday, une jeune fille pas comme tout le monde débarque un beau jour avec sa mère dans une petite ville pittoresque de la Nouvelle Angleterre. Elle fait connaissance, dans des circonstances rocambolesques, avec un autre représentant de la classe des marginaux, l’énigmatique Lancelot Jones. Elle, l’étrangère, la rouquine un brin garçonne, farouchement autonome, et lui, l’intello atypique, qui vit seul avec son père dans un phare isolé, vont filer ensemble la parfaite amitié. Sur les traces de Lance qui passe son temps à jouer au détective et à vouloir élucider tous les faits divers agitant Kings Hill, Friday se prêtera volontairement au rôle de garde du corps, transformant le quotidien compliqué de la fin de son enfance en une période dorée, remplie de souvenirs épatants.
Mais passé la préadolescence, l’amitié se transformera-t-elle en quelque chose de plus profond encore ? A l’orée de l’âge adulte, tout semble se compliquer pour nos deux complices. Les sentiments de Friday se teintent de pensées contradictoires. Le ciel s’assombrit à l’approche de l’hiver et les enquêtes en cours commencent à prendre une tournure inquiétante.
Le récit envoûtant mis en place par Brubacker passe ainsi crescendo d’un registre bon enfant, tendance Harry Potter 1ere période pour tendre vers quelque chose de plus en plus menaçant, proche d’un thriller de Stephen King. En dehors du cadre de ces références hasardeuses, ce qui retient l’attention ici, c’est la qualité de l’écriture. Brubaker, de par sa considérable expérience, fait la démonstration de son savoir, qui consiste à user de tous les artifices narratifs dont sont coutumiers les auteurs de comics US mais avec beaucoup plus de parcimonie que la plupart d’entre eux. L’histoire est ainsi sobrement structurée, bien rythmée, compréhensible et le suspens intelligemment maintenu – en tout cas jusqu’à ce stade. Cerise sur le gâteau, l’implication du scénariste le conduit jusqu’à insuffler une véritable profondeur psychologique à ses personnages et à rendre son héroïne fondamentalement attachante. Le dessin singulier de Marcos, allié à l’intensité des couleurs distillées par Muntsa Vicente contribue en tout point à renforcer le caractère sensible de cet excellent feuilleton, prévu en 3 tomes.
//YZ 2023

Friday 2
Ed Brubaker, Martin Marcos et Muntsa Vicente
Glénat 2023
106 p
9782344055045