Padovaland

A sa couverture, Padovaland attire déjà l’attention. Attirance ou répulsion, c’est selon. Le gros plan sur les deux jeunes filles surprises à vaquer, affalées sur un linge au milieu de la pelouse intrigue. On voudrait discerner qui se cache derrière ces deux silhouettes excentriques et désabusées. C’est qu’on en rencontrera, dans ce portrait de groupe, de jeunes adultes bizarrement fagotés mal dans leur peau, des adolescents frustrés, des barjots, des flambeurs, des victimes, comme de tous les qualificatifs qui peuvent nous venir à l’esprit pour évoquer les représentants d’une classe d’âge livrée à elle-même, sans perspectives d’avenir, cherchant désespérément sa place parmi ses semblables. A coup d’agencements graphiques ingénieux qui font se collisionner un petit noyau de connaissances autour des mêmes figures de l’attraction sociale et sexuelle, certains acteurs parviendront à se démarquer et à se rebeller, hurlant leur soif de liberté à travers quelques séquences surréalistes. Du marasme sentimental à l’heure des relations connectées éclot ainsi, par courts instants, comme une bouffée d’air inattendue, un éclair d’humanité qui jaillit dans l’apathie ambiante.
Comme d’autres avant lui, Miguel Vila dresse un tableau particulièrement désenchanté de l’Italie, comme le revers d’une médaille un peu trop reluisante. Mais il le fait avec la manière, étonnamment accomplie pour un premier essai. Le récit tragicomique un tantinet sordide de ce jeune auteur transalpin témoigne du regard perspicace qu’il porte sur sa génération, dont il dépeint les gesticulations au travers d’une scénographie d’inspiration wareienne et d’une impeccable ligne claire, oscillant entre courbes nonchalantes et précision anatomique, et qui éclot comme une démonstration d’efficacité.
//YZ 2023

Padovaland
Miguel Vila
Presque Lune 2022
156 p
9782917897829