La Grimace

Le nom de Vincent Vanoli évoque des connexions déjà anciennes aux admirateurs de cet auteur encore largement méconnu du grand public. A commencer par celle de l’Association, dont il est un des animateurs parmi les plus réguliers, et pour tout dire, parmi les plus singuliers. Le nom de Vanoli évoque une patte à nulle autre pareille, charbonneuse et méticuleuse à la fois, merveilleux véhicule d’une expression hybride, entre réalisme et imaginaire. Il désigne aussi celui d’un patronyme italien, trahissant une ascendance immigrée, en terre d’Alsace-Lorraine, dont l’atmosphère industrielle imprègne une œuvre emplie d’empathie pour la topographie et l’architecture des lieux. Un nom enfin, qui renvoie à une bibliographie plurielle, alternant volontiers entre les genres, de la fable médiévale au conte philosophique ou de la satire sociale au journal documentaire.
A l’intérieur même d’un récit, de quelque inspiration soit-il, Vanoli aime à brouiller les pistes en passant d’un mode narratif à un autre sans prévenir. Les passages burlesques sont parcourus de digressions analytiques, les séquences contemplatives de plaisanteries décalées. Partout le sérieux côtoie l’anecdotique sans qu’on parvienne à définir qui prend le dessus sur l’autre. Exprimé de manière caricaturale, une bande dessinée de Vanoli aura tendance à s’engager mollement pour dénouer le fil de sa trame aléatoirement avant de terminer sa course de manière abrupte. Un supplice pour l’amateur de récit linéaire et cadencé. Une source d’étonnements stimulante pour celui qui sera enclin à se laisser entraîner par le flot imprévisible de son écriture, reflet d’une pensée ouverte à la multiplication des possibles. A cet égard, Vanoli est un auteur résolument de son temps. Et La Grimace un livre résolument emblématique de sa démarche. La Grimace, peut-être la bande dessinée la plus fascinante de sa production, se présente comme une quête autobiographique, à mi chemin entre fantasmes et souvenirs, sur les traces de ces moments charnières de l’enfance qui auront une incidence sur l’avenir.
A quoi rime exactement la grimace évoquée en titre ? S’agit-il de la grimace qu’on aime faire devant la glace ? Celle qu’on esquisse par intimidation, pour intimider ? Celle causée par le poids d’une douleur dont on ne parvient pas à déceler l’origine ? Ou simplement du visage de la foule ?
Ne comptons pas sur Vanoli pour nous proposer des solutions toutes faites, plutôt des jalons à disposition de notre capacité d’interprétation personnelle.
// YZ 2021

La Grimace
Vanoli
L’Association 2021
80 p
9782844148087