Shangaï Chagrin

La deuxième de ces découvertes à l’Association se présente sous la forme d’une poésie séquentielle et illustrative. Quelque indices sont initialement délivrés, informant du contexte de la déambulation qui va suivre. Cherchant à s’éloigner des répercussions d’un deuil douloureux, le narrateur opte pour un exil excentrique à Shangaï où il se perdra dans une forme d’échappatoire méditatif par le dessin. De la première à la dernière page se succèdent, d’une plume déliée, des enchaînement architecturaux alternant blocs d’habitations hyper-densifiés, enchevêtrements de carrefours suspendus, juxtapositions de quartiers antagonistes, encombrements de canalisations tentaculaires, d’embranchements en circonvolutions à la limite de l’abstraction. A cette toile graphique compacte répondent le pointage de petites bulles blanches qui recueillent ça et là les pensées informulées des occupants des lieux, comme autant de piques dans la chair, d’éclairs d’agressivité, de rancœurs, d’incompréhensions, de frustrations inexprimées. Ces litanies, reflets de l’humeur mélancolique du jeune auteur, sont entrecoupées d’extraits de textes choisis. Les mots entrent en résonnance avec les images dans une sombre et pénétrante harmonie.
Ode baroque au désenchantement du monde, Shangaï Chagrin, touche en profondeur malgré toute absence de perspective manifeste. Par la véhémence de son rejet de la déshumanisation et par l’authenticité de sa douleur, le livre souffle sur des braises tapies au fond de nous.
// YZ 2021

Shangaï Chagrin
Léopold Prudon
L’Association 2021
142 p
9782844147721